La communication non-violente (CNV) regroupe des principes de communication inventée par Marshall Rosenberg, psychologue américain s’inscrivant dans le courant Humaniste (Abraham Maslow, Carl Rogers…).
Il fait le constat que nous communiquons nos besoins (ce qui est important pour nous) souvent de manière violente pour l’autre (par le reproche, par le jugement, par le dénigrement, la culpabilisation, par l’exigence…).
Exemple : nous pouvons dire à un proche « tu es égoïste », nous allons donc poser un jugement négatif et culpabilisant sur son identité (« TU es »). Cette manière de s’exprimer apporte finalement très peu d’information sur comment nous nous sentons et ce dont nous avons besoin. Une formulation CNV ressemblerait à « Quand tu as choisi tout seul ce cadeau, je me suis senti triste et en colère car j’ai besoin de me sentir pris en considération dans ce choix ». Dans cette formulation, on prend la responsabilité de nos émotions et de nos besoins (avec le « Je ») tout en étant précis sur les faits, on peut exprimer nos besoins avec à la fois de l’authenticité et de la bienveillance.
De même si quelqu’un nous dit « tu es égoïste », comme chaque jugement est l’expression inadaptée d’un besoin, nous pouvons tenter de nous connecter au besoin de la personne sans se défendre ou hyper-réagir, car cela ne parle pas vraiment du fait que nous soyons égoïstes mais du besoin de l’autre. On peut activer notre décodeur de besoin en se demandant dans sa tête « quand il dit que je suis égoïste, de quel besoin frustré cela parle, qu’est-ce qu’il aurait aimé recevoir ? », et on peut donner une réponse empathique à l’autre « je vois que quelque chose semblait important pour toi dans cette situation, j’ai envie de comprendre, peux-tu m’en dire plus sur ce qui était important pour toi ? »
Pourquoi la CNV peut servir à la cause Vegan ?
Nous avons tous assisté dans la réalité ou sur internet (commentaire Facebook ou d’articles de journaux) à des échanges violents entre des personnes vegans et des personnes qui défendent la consommation de viande, qu’ils soient de simples particuliers ou des professionnels (éleveurs, bouchers…). Nous avons également assisté dans notre entourage à des remarques qui peuvent être jugeantes sur notre régime alimentaire.
Nous observons souvent le mécanisme d’escalade de la violence dans ces situations : chacun se rigidifie sur sa position et attaque l’autre avec intensité croissante, avec l’espoir d’avoir le dernier mot et d’avoir raison sur l’autre. Ce mécanisme est d’autant plus présent que l’un peut se sentir attaqué ou jugé sur son comportement (consommer de la viande ou ne plus consommer de viande) et que l’autre exprime une valeur importante pour lui (respect des animaux ou liberté de choisir ce qu’on veut manger). Le problème c’est qu’au jeu du qui a raison, il n’y a jamais de gagnant : on n’est plus dans une réflexion sérieuse ensemble, on est plutôt sur un ring de boxe avec comme objectif de trouver l’argument qui écrasera l’autre. Lorsqu’il y a cette intention de gagner sur l’autre, cela implique qu’il y aura une place de gagnant et une place de perdant, or personne ne veut être le perdant, donc tout coup est bon à donner pour éviter cette place : pseudo-arguments, sophismes, attaques de la personne directement… Et l’autre ne fait que se rigidifier sur sa position pour se défendre et contre-attaquer, c’est une situation dans laquelle il n’y a souvent que des perdants au final, car l’interaction ne mène à rien de constructif.
Sortir de l’escalade de la violence permet à l’autre d’être plus sensible et réceptif à notre message et de créer un contexte plus confortable pour échanger autant pour soi que pour l’autre.
Pour sortir de cette escalade, la première réponse est souvent de pouvoir écouter les besoins des autres et de leur apporter une considération empathique même s’ils sont différents des nôtres. Cela revient à leur dire « OK j’ai compris ce qui était important pour toi »
Voici 3 exemples :
Contexte | Réponse en mode chercher à gagner sur l’autre | Réponse empathique gagnant/gagnant |
« On ne peut même plus manger ce qu’on veut » | Par ce que manger ce que tu veux c’est plus important que la souffrance d’un être vivant ? | La liberté et le plaisir dans ce que tu manges semblent vraiment des points importants pour toi. « J’avais aussi du plaisir à manger de la viande avant, mais devenir végan m’a fait découvrir une nouvelle cuisine très bonne que je ne connaissais pas, je pourrais te faire goûter si ça te dit » |
Une mère à sa fille : « Tu vas avoir des carences » | Par ce que tu es nutritionniste maintenant ? Il n’y a pas de carence si on fait bien son alimentation (agacement) | « Tu es inquiète et tu aimerais être rassurée sur le fait que je sois en bonne santé ? » « Tu sais, j’ai bien regardé comment équilibrer ses repas pour ne pas avoir de carences, j’en ai parlé à mon médecin traitant. J’aimerais que tu puisses être rassurée à la fois pour toi et aussi pour moi car cela me fait du bien de sentir de la confiance de la part de mes proches vis à vis de mes choix » |
« Tu ferais mieux de t’occuper des humains » | « Et toi tu fais quoi pour les êtres humains ? Comme si c’était opposé… | La souffrance et les causes humaines semblent importantes et prioritaires pour toi. Est-ce que mon investissement pour la cause animale te donne l’impression que les autres causes sont secondaires pour moi ? Tu sais, je crois que les deux ne sont pas incompatibles ou que l’une ne se fait pas au dépend de l’autre, au contraire, elles vont dans le même sens et me semblent cohérentes. |
Il est très simple de jouer au jeu du gagnant/perdant en répondant de manière rationnel et argumentative, avec une pointe d’agressivité, de jugement et position hautaine (2ème colonne). Mais quel effet cela produit il sur notre destinataire ? 99% de risque qu’il se braque, qu’il soit sur la défensive et se rigidifie sur sa position. Alors qu’avec une réponse sincèrement empathique (3ème colonne), vous venez de considérer ce qui est important pour la personne avec laquelle vous communiquez même si c’est l’opposé de votre besoin à vous. Si vous faites un pas pour regarder le monde du point de vue de votre interlocuteur, sans forcément être d’accord avec lui, il sera moins rigide, utilisera moins d’argument défensif et aura une pensée plus complexe car il se sentira accepté, compris et non jugé. Vous pourrez à votre tour lui parler de ce qui est important pour vous (3ème colonne, seconde partie).
Il n’y a pas de débat rationnel et constructif s’il n’y a pas un contexte d’empathie et de sécurité psychologique, c’est à dire une acceptation de la diversité des points de vue et un désir d’échanger plutôt que d’imposer son avis à l’autre.
La CNV est donc un outil essentiel pour prendre soin de soi (être à l’écoute de ses besoins et les affirmer avec authenticité) mais aussi de l’autre dans la relation (écouter ses besoins, et exprimer son avis avec bienveillance pour lui). On sort de la notion de BON VS MÉCHANT ou de COUPABLE VS VICTIME ou de GAGNANT VS PERDANT pour rentrer dans une relation horizontale et respectueuse dans laquelle chacun a une place et prend la responsabilité de ses besoins.
Je pense que cet outil est vraiment important dans la communauté vegan pour mieux comprendre les besoins des autres qui sont souvent exprimés sous forme de jugements et seront ainsi moins blessants à recevoir quand on comprend que cela parle avant tout de besoins frustrés ; mais aussi pour mieux communiquer ces choix éthiques de manière respectueuse et constructive.
Comment s’initier à la CNV ?
Je pense que pour une raison de cohérence entre ses choix éthiques (compassion pour l’ensemble des êtres vivants sentients) et sa manière de les vivre et de les communiquer (empathie pour les personnes qui n’ont pas le même avec que nous), la CNV est essentielle. De plus, si chaque personnes végétarienne et vegan était formée à la CNV, je suis convaincu que cela générerait plus de curiosité et de réflexions profondes chez les non veg* que de réactions défensives.
Je crois que chaque association de défense animale, comme L214, pourrait gagner à former ses membres à une communication non-violente.
Pour s’initier personnellement à la CNV, je recommande le livre de Marshall Rosenberg « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » et les vidéos youtube, comme celle ci-dessous. La CNV semble assez simple à comprendre en apparence, cependant il s’agit d’un changement de paradigme dans la communication qui remet en question tout un tas de postulat issu de notre culture et de notre éducation. Ce n’est pas juste une « technique » de communication superficielle, c’est avant tout une intention de communiquer avec authenticité et bienveillance. C’est l’état d’esprit qui compte plus que les outils.
L’auteur de l’article est psychologue à Grenoble.